La léthargie dirimante de l’administration pour la mise en place du guichet jusqu’à 500 kW : nouvel avatar pour la filière solaire

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Pascal Richard, président du syndicat Aura Digital Solaire, est un homme en colère. Sillonnant actuellement les routes de la belle région Auvergne Rhône-Alpes à la rencontre des artisans et des professionnels du solaire dans le cadre d’un diagnostic exhaustif de la filière solaire et en partenariat avec AURA Energie Environnement et de l’INES, il évoque la détresse des acteurs de la filière photovoltaïque face à l’attente interminable de la publication de l’arrêté concernant le guichet ouvert jusqu’à 500 kW. Avec à la clé des centaines de MW de stock déjà vendus ! Une nouvelle bulle qui ne rappelle rien de bon à la filière… 

Cette semaine le magazine Le Point stigmatise à sa Une « le mal Français » au sujet de la vaccination contre la Covid-19 en montrant une photo d’Emmanuel Macron niché sur un escargot et tenant les rênes de sa monture.  Référence bien sûr aux lenteurs désespérante de l’administration française. Cette « Une » aurait tout aussi bien pu servir comme iconographie à la nouvelle arlésienne de la filière photovoltaïque : la publication de l’arrêté sur le guichet ouvert jusqu’à 500 kW. « Deux ans qu’on en parle. On nous dit que l’attente pourrait être encore de plusieurs mois là où d’autres pays mettent en place un tel guichet en quinze jours. Malgré les différentes priorités solaires portées à la connaissance de l’administration et qui s’accumulent, cet arrêté doit désormais sortir. Les agissements des élites françaises de l’administration obsédées par la financiarisation du savoir-faire français et un  gouvernement incapable de sortir un guichet, sont totalement décorrélés des besoins réels et concrets de l’économie des territoires sur lesquels se met en mouvement  la transition énergétique. Il est urgent d’agir, il faut se bouger. Il y a trop longtemps que cela dure et c’est en homme libre que je m’élève contre cet immobilisme d’état qui est inacceptable » vitupère véhément Pascal Richard, président du syndicat Aura Digital Solaire. « Un syndicat, ça sert à militer. Nous sommes donc dans notre rôle et accentuerons la pression, chaque jour, tant que cela sera nécessaire, c’est-à-dire tant que nous n’aurons pas obtenu de résultats » poursuit-il.  

Alerte sur les niveaux de stock

Après l’été 2020, la DGEC avait pris des engagements forts pour faire avancer rapidement le guichet ouvert et le faire notifier, comme la réglementation l’exige, à la Commission Européenne de Bruxelles. Las ! « Ce dossier ne serait en fait parti qu’il n’y a que quelques semaines outre-Quièvrain, même si encore aujourd’hui nous n’en avons pas la confirmation officielle. Des intérêts contraires à ceux portés par la majorité de la filière solaire française, sont actifs, tant au niveau de Bercy, qu’à la DGEC, qu’à la CRE mais également à Bruxelles. Outre la manœuvre dilatoire, ces lobbys antagonistes poussent également pour un tarif d’achat à moins de 85€/MWh. Et Bruxelles entend plutôt favorablement ces arguments. Il est cependant tout à fait possible de justifier de la nécessité d’un tarif plus élevé en France si l’on prend en compte le monopole du raccordement au réseau de distribution et celui des notaires qui signent les baux emphytéotiques ou encore les interminables délais administratifs qui renchérissent les coûts des projets » argumente Pascal Richard. Ce dernier alerte également sur les niveaux de stock des projets entre 100kW et 500kW qui ont déjà été vendus et dont il s’en vend davantage tous les jours en France. Les installateurs et les développeurs parient beaucoup sur la mesure du guichet pour relancer leur business qui a souffert de la situation sanitaire, pour entrevoir un avenir post-Covid plus florissant, mais également pour obtenir une alternative à un  processus d’appels d’offres toitures qui est trop lourd pour un grand nombre de petits et moyens porteurs dans nos régions.

95% des acteurs de la filière solaire de France dépendent du guichet ouvert

Aujourd’hui, en nombre et en valeur absolue, 95% des acteurs de la filière dépendent du guichet ouvert. Ces incertitudes impactent également les maîtres d’ouvrage et les élus des territoires qui comptent beaucoup sur ces aides publiques pour relancer l’activité. C’est un conflit dont personne ne veut. « Personne ne peut prétendre ne pas savoir ce qui se passe à ce niveau. Le stock de projets est difficile à estimer mais il s’élève fort probablement dans une fourchette estimée à ce jour entre 300 et 400 MW en France, voir davantage. Et cela ne cesse de croître semaine après semaine. Sachant que le gel du tarif n’est pas acté, je vous laisse donc imaginer le risque associé au stock de projets. De tels volumes lancés conjointement sur le marché ont de quoi faire exploser le tarif à la baisse et anéantir les business models et doucher les espérances. » poursuit Pascal Richard. Une bulle comme une bombe à retardement qui ne laisse rien présager de bon si nous ne faisons rien !

« Nous voulons des dates, des échéances. Nous voulons des résultats »

Que demande donc Pascal Richard ? Avant tout de la confiance, de la transparence et une communication régulière de la part de l’administration française qui ces derniers temps ne nous offre pas son meilleur visage. Mais pas que. « Nous demandons des dates, des échéances dans l’instruction des dossiers à Bruxelles et pour la publication des décrets d’application de l’arrêté tarifaire en France. Nous voulons des résultats sur le cadre de soutien au solaire qui reste trop complexe, incertain et qui a atteint ses limites. Comment s’étonner dans ce contexte que nous accumulions année après année des GW de retard par rapport aux objectifs de la PPE et que paradoxalement le travail de transposition de la directive européenne si innovante sur les communauté d’énergie est démarrée ? On est chez les fous ! Il ne faudra pas en vouloir aux acteurs de la filière qui ont les pires difficultés à travailler correctement quand le cadre législatif est aux abonnés absents. C’est un fait, l’administration française ne joue pas le jeu. Je note un profond décrochage entre Paris et les territoires d’une façon générale et en particulier sur le sujet du guichet. C’est un peu David contre Hercule (ndrl : projet Hercule de réforme d’EDF) » ajoute Pascal Richard.

Et l’autoconsommation dans tout ça ?

Autre motif d’inquiétude pour le président du syndicat Aura Digital Solaire, l’absence  réelle d’incitation à l’autoconsommation dans ce guichet – sans réelle incitation à la vente de surplus -, un modèle pourtant fortement plébiscité par les citoyens, les collectivités locales et les chefs d’entreprises. « L’autoconsommation, c’est avant tout rapprocher la production et la consommation d’électricité en apportant de la flexibilité. Pourquoi s’en priver alors que nous avons des champions sur ces technologies digitales. Cela permet aussi l’optimisation des flux sur les réseaux et participe à leurs bons équilibres, technique et financier » argumente Pascal Richard qui déplore  la « Marianne » de l’Obligation d’Achat en vente totale sur vingt ans, chouchou d’un certain nombre et pour autant pur objet financier qui n’a d’autre effet que de badigeonner nos toitures de solaire sans vision énergétique sur le moyen et le long terme. « Là encore, l’administration refuse en plus de la revente totale, la possibilité de soutenir le choix à la valorisation pertinente du surplus et la dynamique qui implique toute l’intelligence de la filière et les emplois qui vont avec, ces emplois de l’innovation digitale au service du monde des énergies renouvelables partout en France, en Europe et dans le monde. L’heure est donc à la mobilisation pour faire bouger les lignes pour que la relance verte soit plus que des mots mais une réalité économique de terrain.

L’enjeu politique est non seulement de produire des kWh solaires compétitifs mais aussi de réaliser un projet national de réindustrialisation par les territoires. « Pour cela il est essentiel que la filière solaire s’unisse pour que chacun accepte et reconnaisse que tout ne passera pas plus par le modèle de l’un que par le modèle de l’autre. Une compétition d’émulation et non plus une compétition de prédation. Voilà pourquoi j’en appelle à l’union, pour ne pas donner cette chance à l’administration française et au gouvernement actuel de nous diviser sur un projet d’intérêt général qu’est celui de la transformation de notre système électrique par les renouvelables ». Et Pascal Richard de sonner le tocsin…